Wiltrud Weidinger


1. Introduction

Les systèmes scolaires en Europe occidentale, centrale et septentrionale sont façonnés par les paradigmes sociaux et les priorités de la politique éducative expliqués au chapitre précédent. Ceux-ci fournissent une sorte de ligne directrice qui détermine les rôles et les principes propres aux écoles et à l’enseignement dans ces pays. L’image de l’homme, à laquelle un système scolaire et une société se réfèrent, influence l’aspect des leçons et la manière dont les élèves sont perçus. Comme décrit au chapitre 4, les systèmes éducatifs et scolaires des pays susmentionnés reposent sur les piliers idéologiques suivants : l’engagement en faveur de l’égalité des chances, de l’intégration, de l’interculturalité et du multilinguisme, l’éducation inclusive, l’éducation à la démocratie et la participation à la société. L’ensemble a une influence directe ou indirecte sur la manière de percevoir les élèves et l’enseignant, sur la conception de l’apprentissage et, ainsi, sur ce que doivent être le but et le contenu véritables de l’école.

Ce chapitre présente les critères de qualité les plus importants en matière d’enseignement et d’éducation dans la culture scolaire et pédagogique de l’Europe du centre, du nord et de l’ouest. Ceux-ci sont structurés selon trois grands domaines :

  • Place de l’élève
  • Place de l’enseignant
  • Conception de l’apprentissage et de l’enseignement

 


2. Place de l’élève

Enseignement centré sur l’apprenant

L’enseignement dans les écoles des pays d’immigration mentionnés est en principe centré sur l’apprenant. Cela suppose que les cours soient adaptés aux besoins des élèves en termes de structure, de choix des contenus et d’organisation. Par conséquent, les apprenants doivent être considérés dans leur individualité, c’est-à-dire comme des individus ayant une personnalité indépendante (Helmke, 2012).

Dans un enseignement centré sur les élèves, ceux-ci sont pris au sérieux et appréciés en tant que personnes, indépendamment de leurs performances scolaires ou de leur succès.

Il convient donc que les intérêts, la biographie et le contexte, la situation de vie et les besoins spécifiques des apprenants soient perçus et respectés, ce qui a un effet positif sur la confiance en eux des élèves et leur motivation à apprendre. Cette approche est en même temps favorable à la relation entre l’enseignant et l’apprenant, ce dernier se sentant plus à l’aise et pris au sérieux en tant que personne dans le cadre d’un enseignement centré sur lui. Cela signifie aussi que les élèves peuvent s’adresser à l’enseignant non seulement pour des questions sur la matière enseignée, mais aussi pour d’autres points et problèmes. À la fonction scolaire vient se greffer alors un enjeu éducatif.

Outre la dimension émotionnelle et affective, un enseignement centré sur l’apprenant se réfère, en termes de planification et de mise en œuvre, au stade de développement respectif des apprenants ainsi qu’à leurs connaissances préalables, leur situation, leurs expériences et leur cadre de vie.

Les apprenants sont perçus comme des sujets actifs et agissants – et non comme les simples objets de l’enseignant ou du programme d’enseignement.

Il en résulte un postulat central, à savoir que les apprenants doivent être stimulés de la manière la plus complète possible pour devenir eux-mêmes actifs dans le cadre d’un enseignement centré sur eux. Partant, l’enseignant n’est plus au centre de la leçon, mais la planifie et l’élabore du point de vue de l’apprenant, avec lui et pour lui (Wiater, 2012). Ainsi que l’explique également Helmke (2012) : l’enseignement centré sur l’apprenant se caractérise par une participation élevée des élèves et leur implication active dans le déroulement de la leçon. La différence entre l’enseignement traditionnel centré sur l’enseignant, tel qu’ont pu le connaître certains enseignants de langue et culture d’origine lors de leur propre période de formation, et la nouvelle définition des rôles dans le cadre d’un enseignement centré sur l’apprenant est frappante ; cf. le paragraphe ci-dessous intitulé « Nouvelle conception des rôles : coach et facilitateur d’apprentissage ».

Enseignement axé sur la promotion des élèves

Un enseignement centré sur l’apprenant influera également sur ses performances et sur la manière dont celles-ci sont perçues et évaluées. Toutefois, pour stimuler les compétences individuelles des apprenants, les enseignants doivent posséder des connaissances suffisantes en matière de diagnostic et être en mesure de s’en servir. En outre, durant la leçon, ils doivent être capables d’adapter le niveau d’exigence des activités et des problèmes, ainsi que celui des questions et des tâches à résoudre, aux apprenants et à leurs connaissances préalables. Cela signifie, en particulier dans le cas des classes LCO qui sont très hétérogènes en termes de performances et souvent aussi d’âges, que les tâches et les questions relatives à l’évaluation doivent toujours être formulées pour différents niveaux (voir aussi ci-dessous « Différenciation et individualisation », et le chap. 6).

Afin de pouvoir soutenir de manière optimale les élèves, l’enseignement axé sur la promotion considère et évalue les performances et progrès des apprenants selon une perspective individuelle, focalisée sur un objectif d’apprentissage.

Dans l’enseignement axé sur la promotion des élèves, l’évaluation est non seulement sommative, mais aussi toujours formative.

Cela signifie que les performances sont observées, commentées et discutées avec les apprenants sur une plus longue période. Toutefois, une évaluation axée sur la promotion implique que les objectifs d’apprentissage soient clairement définis et transparents pour les apprenants. En même temps, cette approche nécessite l’implication du plus grand nombre possible de participants : apprenants, parents, enseignants du système scolaire ordinaire et autres spécialistes.

Le chapitre 7 traite en détail du sujet de l’évaluation des performances orientée vers la promotion des élèves et montre en quoi cela est positif ; il propose aussi des conseils pratiques pour l’enseignement LCO avec des modèles, des check-lists, etc. À cet égard, nous renvoyons le lecteur à la brochure de Nüesch et al. (cf. les indications bibliographiques).

Enseignement axé sur les compétences

Depuis une décennie environ, le principe de l’enseignement axé sur les compétences ouvre de nouvelles perspectives dans de nombreux pays d’Europe centrale, occidentale et septentrionale, avec les répercussions répertoriées ci-après.

  • Les objectifs à atteindre par les élèves sont présentés sous la forme de différents domaines et niveaux de compétences. Le point de référence pour l’apprentissage scolaire n’est donc plus un ensemble de sujets ou d’objectifs de contenu à atteindre, mais une série de compétences que les élèves doivent acquérir et qui se renforcent mutuellement.
  • Le niveau d’apprentissage et les progrès des élèves sont évalués en fonction d’un certain degré de compétence (relativement donc à la « performance », et non plus aux « résultats » ; c’est pourquoi on privilégie le terme de « performance »).

Dans les sciences de l’éducation, il existe quelques définitions de ce qui relève des « compétences ». Celle de Franz E. Weinert est la plus répandue dans les pays germanophones : « Les compétences sont les capacités et aptitudes cognitives dont disposent les individus ou qu’ils peuvent acquérir, pour résoudre certains problèmes, ainsi que la disposition motivée [par la volonté] et les compétences sociales qui vont de pair en vue d’utiliser de façon réussie et responsable des solutions à des difficultés surgissant dans des situations variées » (Weinert, 2014). Il ne s’agit donc pas seulement de connaissances factuelles, mais davantage d’une capacité à résoudre les problèmes et enfin de l’attitude et de la motivation nécessaires. En didactique, on établit à cet égard une distinction entre les compétences spécialisées et les compétences interdisciplinaires. Les premières comprennent toutes celles qui sont étroitement liées à une discipline scolaire ; en ce qui concerne l’enseignement LCO, on peut citer la suivante : « À la fin de la troisième année, les élèves connaissent le système d’écriture de leur langue première et sont capables d’écrire des messages simples ». Sont considérées comme compétences interdisciplinaires les aptitudes et capacités requises pour faire face à la vie, mais pas exclusivement liées à une discipline scolaire. Il s’agit, par exemple, des compétences personnelles (autonomie, réflexion, etc.), sociales (capacité à coopérer, à gérer les conflits, etc.), mais aussi méthodologiques (capacité à communiquer, à résoudre les problèmes, etc.). Il va de soi que le développement de toutes ces compétences peut et doit également avoir lieu dans le cadre de l’enseignement LCO.

Le choix d’une orientation vers les compétences convient parfaitement à un enseignement centré sur la promotion de l’apprenant. En résumé, on peut dire qu’un tel type d’enseignement se définit par les caractéristiques énumérées ci-après (cf. Lersch, 2010, et Meyer, 2013).

  • Activation cognitive des élèves par des tâches stimulantes, mais bien coordonnées
  • Mise en relation des connaissances nouvellement acquises avec les connaissances et compétences préalables
  • Mise en pratique pertinente
  • Recherche de situations d’application appropriées
  • Accompagnement individuel du processus d’apprentissage
  • Réflexion sur les progrès d’apprentissage par l’intermédiaire des élèves (métacognition)

3. Place de l’enseignant

Importance de la gestion de classe
(classroom management)

La gestion efficace d’une classe constitue l’une des conditions préalables à un enseignement de qualité. Elle établit un cadre temporel et une ambiance de travail motivante, freinant ainsi perturbations et chaos. La recherche internationale a montré qu’il existe une corrélation directe entre la gestion de classe et la progression des élèves. En ce sens, la méta-analyse approfondie de Hattie (2013) révèle que des classes bien organisées, où les enseignants s’impliquent considérablement en matière de gestion, ont un impact visible (de moyen à élevé) sur les performances des élèves. L’attitude individuelle des enseignants (motivation, engagement) et l’étendue de leur capacité à reconnaître et à réagir aux problèmes de comportement des élèves représentent également des facteurs importants.

Dans le domaine de la gestion de classe (classroom management), mais aussi dans le cadre de l’enseignement LCO (cf. Woolfolk, 2008), les points suivants sont primordiaux :

  • une bonne préparation de la salle de classe (matériel, disposition des chaises, questions d’organisation, etc.),
  • une stimulation la plus élevée et la plus constante possible de tous les élèves par des tâches attrayantes et orientées vers l’action ; identification et canalisation des activités problématiques,
  • la mise en place, de préférence concertée, de règles et de modèles de conduite clairs et plausibles qu’il convient de rendre accessibles (p. ex. accrocher des affiches reprenant les règles en vigueur dans la classe ou au cours de la conversation),
  • définir les conséquences d’un comportement inapproprié ; faire face aux problèmes de discipline avec mesure et sans interrompre la leçon,
  • en tant qu’enseignant, ne pas distiller de sentiment d’incertitude ou d’indécision,
  • veiller à ce que les leçons se déroulent sans heurts, en évitant des ruptures peu cohérentes et des interruptions inutiles dans le déroulement des leçons.

Des pistes pour réfléchir à son propre comportement en tant que responsable d’une classe sont présentées ci-dessous dans la partie « Pistes pour la réflexion, la discussion et l’approfondissement » (5 C, en particulier les pistes 6 et 7). Pour approfondir cet aspect, nous renvoyons le lecteur à la publication de Meier et al., Schülerinnen und Schüler kompetent führen (2011), Zürich : Verlag Pestalozzianum.

Nouvelle conception des rôles : coach et facilitateur d’apprentissage

Au sein d’un enseignement axé sur les compétences et sur l’apprenant, les élèves sont par définition très actifs. À cet effet, l’enseignant doit planifier des activités d’apprentissage appropriées (éventuellement à différents niveaux !), accompagner les apprenants dans leurs activités et les soutenir activement si nécessaire. Les enseignants assument de plus en plus le rôle de « coachs d’apprentissage », c’est-à-dire d’initiateurs, de supporters et d’évaluateurs des processus d’apprentissage ; ils tiennent de moins en moins celui, traditionnel, de professeur.

Pour correspondre à ce changement de rôle, l’enseignant doit d’abord être en mesure d’évaluer les besoins d’apprentissage et les connaissances préalables de chaque élève (voir ci-dessus, enseignement axé sur la promotion). Il lui faut aussi programmer des situations d’apprentissage stimulantes en termes de contenu et d’approche didactique, développer des parcours d’apprentissage, sélectionner des tâches, observer et accompagner le processus d’apprentissage et, enfin, intervenir en cas de problèmes. À la fin d’une séquence, il dresse le bilan de l’apprentissage : qui a appris quoi ? Quels objectifs ou compétences sont encore à approfondir ? Quelles évaluations ou notes doivent éventuellement être données ?

De plus, il s’agit aussi de réfléchir, lors de discussions avec les élèves, à leur apprentissage et d’en documenter les résultats. La tenue d’un journal d’apprentissage ou la constitution d’un portfolio permettant de rassembler des travaux représentatifs sont autant d’exemples susceptibles d’être mis en œuvre dans le cadre d’un cours LCO.

Lors de l’accompagnement des élèves dans les processus d’apprentissage, il est essentiel de les encourager à réfléchir à ce qu’ils assimilent, d’attirer leur attention sur leurs points forts, mais aussi sur leur potentiel de développement, et d’adapter le cours en conséquence. L’accompagnement comprend également la transmission explicite de stratégies permettant aux apprenants d’optimiser leur apprentissage. Celles-ci peuvent se concentrer directement sur l’objectif et les compétences à acquérir (par exemple, des stratégies de révision de texte, de recherche dans le dictionnaire ou sur Internet) ou promouvoir indirectement l’apprentissage lui-même (méthodes pour s’organiser dans son travail, formation de tandems d’apprentissage, etc.). Le livret 5 de la présente série Matériel pour l’enseignement de la langue et de la culture d’origine traite spécifiquement des stratégies d’apprentissage au sein de l’enseignement LCO.

Dans une telle perspective, les contacts et la coopération entre l’enseignant et les apprenants s’en trouvent renforcés par rapport à l’approche traditionnelle, où le professeur donnait l’essentiel de sa leçon du haut de son piédestal, en tant que représentant de la fonction publique. Pour les enseignants LCO, formés dans leur pays d’origine selon le modèle classique, s’adapter à cette nouvelle conception des rôles et de la coopération peut représenter un défi. Néanmoins, ils doivent aussi être conscients que leurs élèves sont généralement habitués à cette nouvelle image de l’enseignant dans leurs autres cours : cela signifie donc qu’ils ne sont guère enclins à suivre des leçons trop centrées sur l’enseignant et gérées d’une manière traditionnellement autoritaire.


4. Conception de l’apprentissage et de l’enseignement

Approche constructiviste

La plupart des écoles d’Europe centrale, occidentale et septentrionale suivent une conception dite
« constructiviste » de l’apprentissage, reposant sur les deux hypothèses fondamentales décrites ci-dessous (cf. Woolfolk, 2008).

  1. Les apprenants sont des sujets actifs dans le processus d’apprentissage et « construisent » leur propre savoir (sur la base de leurs connaissances quotidiennes, ils développent leurs propres idées et « modèles », par exemple sur l’alternance jour/nuit, la guerre, l’écart entre riches et pauvres).
  2. Les interactions sociales sont importantes au cours de ce processus d’acquisition du savoir.

Cette conception constructiviste part du principe que l’environnement sert simplement de stimulus et de matrice au développement de l’élève, les impulsions essentielles à son apprentissage venant de lui-même. Partant, les élèves font des recherches actives sur ce qui leur pose problème au sein de leur environnement (« Pourquoi la nuit tombe-t-elle le soir ? », « Pourquoi tant de gens de mon pays vivent-ils dans des pays d’accueil ? ») : l’acquisition des connaissances passe par la résolution de problèmes, l’apprentissage s’entendant au sens de la réorganisation constante des éléments de la connaissance. Les structures élaborées par l’apprenant lui-même et donc à sa disposition sont par la suite, développées, regroupées ou complètement redessinées à chaque nouveau processus ou étape d’apprentissage.

La didactique constructiviste privilégie le développement et l’application des connaissances et compétences par rapport à la mémorisation, au rappel et à la reproduction des faits, concepts et aptitudes (Woolfolk, 2008). Elle met l’accent sur l’aptitude à résoudre des problèmes, sur la pensée critique, la volonté de poser des questions, l’autodétermination et l’ouverture à diverses solutions. Ainsi, la méthode constructiviste préconise les recommandations ci-après.

  • L’apprentissage doit être inséré dans un environnement fait de questions complexes, réalistes et pertinentes, qui stimule les élèves dans leur propre « construction de connaissances » et dans la découverte de l’apprentissage.
  • Les apprenants doivent être encouragés à prendre en compte divers aspects et perspectives lors de discussions. À cette fin, il convient de leur proposer, dans la mesure du possible, des approches différentes d’un même sujet. De même, il faut prévoir des temps de débats et d’échanges suffisants.
  • Les apprenants doivent certes être soutenus, mais aussi comprendre qu’ils sont eux-mêmes responsables de leur apprentissage et de sa qualité (cela signifie, du même coup, un renforcement de la connaissance de soi et la conscience que l’apprentissage se construit).

La simple transmission de connaissances et de faits, qui caractérise l’enseignement traditionnel, est ainsi reléguée à l’arrière-plan ; partant, les enseignants LCO doivent repenser leurs méthodes d’apprentissage. Ainsi, au lieu de décréter : « Apprenez par cœur les noms de plantes et d’animaux suivants », ils doivent donner pour consigne : « Discutez et notez par groupes de trois les plantes et les animaux qui jouent un rôle particulièrement important dans le sol de la forêt ; faites une petite affiche sur ce sujet ».

Apprentissage autonome et responsable

Dans le cadre de cette conception constructiviste de l’apprentissage, les écoles d’Europe occidentale, centrale et septentrionale mettent également l’accent sur la dimension, importante, de l’autonomie et de la responsabilité personnelle dans l’apprentissage. Ici, le concept central repose sur l’autorégulation de l’apprentissage : cela signifie que les élèves contrôlent (régulent) et surveillent eux-mêmes leur processus d’apprentissage et leurs progrès (y compris les devoirs à la maison et les projets à plus long terme, comme la préparation d’un exposé). Dans le même esprit, l’apprentissage autonome signifie qu’en classe, les élèves peuvent prendre des décisions et être responsables de divers aspects de leur propre apprentissage.

Ces décisions concernent en particulier les domaines suivants :

Objectifs d’apprentissage : qu’est-ce que je dois / veux pouvoir faire ?
Objectifs d’apprentissage : qu’est-ce que je dois / veux savoir / apprendre ?
Méthodes d’apprentissage : comment est-ce que j’apprends ? Quelles sont les méthodes et les stratégies que j’utilise ?
Supports d’apprentissage : quels sont les supports que j’utilise ?
Durée : combien de temps ai-je à ma disposition ?
Rythme de travail : quelle est ma vitesse de travail ?
Partenaire de travail : est-ce que je travaille seul, avec un partenaire ou en groupe ?

Dans la réalité scolaire, les objectifs et les contenus de l’apprentissage sont généralement définis, mais les élèves peuvent déterminer le temps qui leur est nécessaire à la réalisation d’une tâche, leur rythme de travail, choisir leurs partenaires et, dans certains cas, la méthode. Ces possibilités existent aussi dans l’enseignement LCO, si celui-ci est ouvert et orienté vers l’apprenant (cf. aussi chapitre 6). Les stratégies déjà mentionnées ci-dessus sont d’une grande importance pour un apprentissage autonome et responsable. Elles constituent les conditions préalables pour que les apprenants puissent planifier, organiser et contrôler leur apprentissage. Elles contribuent assurément à un apprentissage indépendant et autorégulé et au développement des compétences d’auto-évaluation, si l’enseignant de son côté propose des objectifs et des contenus avec différents niveaux d’exigence, parmi lesquels les élèves choisissent eux-mêmes celui qui leur convient (ex. : textes sur la Turquie au XIXe siècle avec trois niveaux de difficulté ; contrôle des connaissances sur l’agriculture en Italie avec trois niveaux d’exigence).

Liens avec le cadre de vie

Dans le choix de son contenu, l’enseignement orienté vers les besoins des apprenants doit être aussi proche que possible du cadre de vie actuel et futur des élèves ; il doit donc être mis à jour et significatif pour les apprenants. Wolfgang Klafki avait déjà formulé cette question avec justesse il y a plus de 50 ans : « Quelle importance le contenu, l’expérience, la capacité ou l’habileté développés dans le cadre de cette thématique ont-ils pour la vie intellectuelle des enfants de ma classe ? Quel sens devraient-ils avoir pour leur développement cognitif, d’un point de vue pédagogique ? » (Klafki, 1958). Cependant, si la signification actuelle est importante dans le choix des contenus, il faut aussi tenir compte de l’importance des différents thèmes pour l’avenir des élèves.

Il incombe aux enseignants de choisir des contenus à la fois pertinents pour le présent et l’avenir, tout en étant proches du quotidien des élèves.

La mise en relation du contenu des cours avec le cadre de vie des élèves constitue un challenge pour les enseignants en matière de compétence professionnelle et d’informations relatives à l’environnement, les conditions de vie et les problèmes de leurs apprenants. Pour les enseignants LCO, ce postulat revient avant tout à prendre en compte le statut de « migrant » de leurs élèves, lesquels se situent dans et entre deux cultures avec une expérience qui diffère nettement de celle des élèves de leur pays d’origine. Des thèmes tels que « Vivre à la ferme », « Contes et légendes », « Moi, dans 20 ans », « Les minorités », etc. doivent être abordés différemment s’ils sont traités dans des classes ordinaires, par exemple en Croatie, ou dans le cours LCO de croate en Suisse ou en Autriche. Dans le second cas, il est essentiel de tenir compte de l’expérience et des compétences des enfants qui grandissent dans un environnement biculturel, mais aussi de leurs connaissances souvent plus faibles de la langue et de la culture d’origine. En outre, un certain nombre de thèmes traditionnels dans le pays d’origine (par exemple les questions patriotiques ou historiques) sont beaucoup moins pertinents dans le contexte de la migration – alors qu’ici des thèmes tels que « Vivre dans et entre deux cultures », « Les minorités », etc. sont importants et fort actuels.

Adéquation à l’âge

Comme déjà mentionné dans le paragraphe « Enseignement centré sur l’apprenant », la conception de l’enseignement doit se fonder sur le niveau de développement des élèves, la composition du groupe d’apprentissage et la personnalité individuelle des élèves. C’est surtout dans les classes à plusieurs niveaux, caractéristiques de l’enseignement LCO, que la dimension de l’âge prend de l’importance. Les apprenants qui se retrouvent dans des groupes hétérogènes à multi-niveaux, doivent être soutenus de façon personnalisée et individuelle, en fonction de leur développement psychologique et de leurs expériences d’apprentissage antérieures.

Un élève en 3e année est capable et souhaite travailler sur autre chose qu’un élève en 1re année.

Une différenciation basée seulement sur la quantité de tâches à effectuer ne fonctionne généralement pas ici ; il est préférable de privilégier une approche qualitative, et un choix de contenus et de méthodes en fonction de l’âge.

Le fait que l’âge et les compétences en langue première varient souvent considérablement d’un élève à l’autre constitue un défi propre à l’enseignement LCO. Il peut en effet arriver qu’un élève de sixième année, qui ne fréquente l’enseignement LCO que depuis deux ans, lise et écrive la langue première beaucoup moins bien qu’un élève de troisième année issu d’une famille ayant un bon niveau de formation. Néanmoins, on ne peut pas donner à l’élève de sixième année des lectures moins exigeantes qu’aux plus jeunes enfants, car il en serait offusqué et démotivé. Des textes adaptés à son âge sont alors indiqués, mais dans des versions simplifiées sur le plan linguistique, avec un soutien personnalisé important.

Différenciation et individualisation

L’enseignement orienté vers les apprenants, leurs connaissances préalables, leurs intérêts, leurs besoins et leur âge (voir ci-dessus) a pour conséquence un postulat qui existe depuis une bonne trentaine d’années et qui vise à différencier et individualiser l’enseignement. Ou pour l’exprimer de manière imagée :

Au lieu de servir un menu standard à tous les élèves, que ceux-ci doivent ingérer dans les mêmes quantités et digérer dans un temps identique (ce qui est une totale illusion), il faut que chaque élève consomme le menu qui lui convient le mieux, que son organisme assimilera facilement et qui lui sera bénéfique.

Certes, cette approche est exigeante, en particulier pour les enseignants qui ne sont pas familiers de ce concept et qui n’ont pas été formés en ce sens ; néanmoins, l’individualisation et la différenciation sont aujourd’hui si répandues tant dans la pratique que pour le matériel pédagogique qu’il ne reste pratiquement plus d’enseignants recourant à la méthode frontale, selon le modèle classique. Assurément, dans les cours de langue – qu’il s’agisse de cours ordinaires ou LCO –, on peut trouver des moyens et des solutions à la fois réalistes et réalisables. En effet, dans une classe de 20 élèves, il serait inutile et impossible d’élaborer un programme d’apprentissage particulier pour chacun, mais il suffit par exemple de fournir des textes à lire ou des sujets d’écrit pour trois ou quatre niveaux de difficulté et les enfants auront toutes les chances de trouver ce qui leur convient. Plutôt qu’une individualisation complète, on peut parler ici de différenciation interne de l’enseignement (selon le niveau et l’âge). En outre – sans se référer ici à l’enseignement LCO, mais au système scolaire public – il existe une différenciation externe relative aux différents types d’écoles, en particulier au niveau de l’école secondaire I (lycée, école secondaire avec des exigences étendues ou limitées, écoles spéciales, etc.)

Les enseignants exercent une influence directe sur la différenciation interne, c’est-à-dire qu’ils peuvent et doivent proposer des offres d’apprentissage avec des degrés de difficulté et de complexité différents, ainsi que des exercices de longueur variable en fonction du niveau des apprenants pour servir au mieux leurs intérêts. La structure de la classe s’en trouve alors dissoute : chaque apprenant peut en effet choisir ce qui lui convient le mieux et progresse ainsi de la meilleure manière possible. On parle aussi d’enseignement « adaptatif » pour désigner cet enseignement orienté vers les caractéristiques individuelles et les besoins d’apprentissage des élèves et qui adapte en conséquence les tâches et supports d’apprentissage, le matériel pédagogique, les médias, etc.

Perspective

Les dimensions de l’enseignement traitées au chapitre 5 correspondent aux points essentiels de la pédagogie et de la didactique actuelles dans les pays d’immigration d’Europe centrale, occidentale et du nord. Bien sûr, la liste n’est pas exhaustive, d’autant que la pédagogie et la didactique se développent de manière dynamique. Un dernier élément doit encore être mentionné, car il apparaît de façon récurrente, mais n’a pas été explicitement discuté : il s’agit de la motivation des apprenants.

L’objectif de tout enseignement est de donner une impulsion positive à l’apprentissage et d’encourager les apprenants à agir et à être actifs.

Les points fondamentaux énumérés vont tous dans ce sens et envisagent la conception des leçons sous cet angle. En effet, seuls les élèves motivés peuvent prendre des responsabilités, fixer leurs propres objectifs, planifier et réfléchir sur leur apprentissage pour en devenir les agents. Cet objectif sera atteint si l’enseignant structure son cours dans cette perspective et veille à promouvoir les connaissances, compétences et attitudes des élèves – pour résumer, s’il contribue au développement de leur personnalité.


Indications bibliographiques

Hattie, John (2013): Lernen sichtbar machen. Überarbeitete deutsche Ausgabe von “Visible Learning”. Baltmannsweiler: Schneider-Verlag Hohengehren.

Helmke, Andreas (2012): Unterrichtsqualität und Lehrerprofessionalität. Diagnose, Evaluation und Verbesserung des Unterrichts. (4th ed.) Seelze- Velber: Klett/Kallmeyer.

Klafki, Wolfgang (1958): Didaktische Analyse als Kern der Unterrichtsvorbereitung. In: Die deutsche Schule, vol. 10, p. 450–471.

Lersch, Rainer (2010): Wie unterrichtet man Kompe- tenzen? Didaktik und Praxis kompetenzfördern- den Unterrichts. Wiesbaden: Hessisches Kulturmi- nisterium. Institut für Qualitätsentwicklung.
Link: http://didaktik.mathematik.hu-berlin.de/files/2010_lersch_kompetenzen.pdf

Mandl, Heinz; Helmut F. Friedrich (2006): Handbuch Lernstrategien. Göttingen: Hogrefe.

Meier, Albert et al. (2011): Schülerinnen und Schüler kompetent führen. Aufbau von grundlegenden Führungskompetenzen für Lehrpersonen. Ein Arbeitsheft. Zürich: Verlag Pestalozzianum.

Meyer, Hilbert (2013): Was ist guter Unterricht? (9th ed.) Berlin: Cornelsen Scriptor.

Nüesch Birri, Helene; Monika Bodenmann; Thomas Birri (2008): Fördern und fordern. Schülerinnen- und Schülerbeurteilung in der Volksschule.

St. Gallen: Kantonaler Lehrmittelverlag. Link: edudoc.ch/record/32505/files/foerdernfordern.pdf

Weinert, Franz E. (2014): Leistungsmessungen in Schulen. Weinheim und Basel: Beltz.

Wiater, Werner (2012): Unterrichtsprinzipien. Prüfungswissen–Basiswissen Schulpädagogik.
(5th ed.) Donauwörth: Auer.

Woolfolk, Anita (2008): Pädagogische Psychologie. München: Pearson Studium.


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